Dans le livre souvenir "le destin tient les commandes", un pilote expérimenté d'une compagnie aérienne intérieure américaine raconte, notamment, la mise en place de la route transatlantique par le Groënland et l'Islande sur des Douglas DC3 puis des Boeing C-87. Curieusement, ces pilotes restèrent des "civils" durant toute la WW2 sauf quand ils ravitaillaient la Chine. Là ils portaient l'uniforme pour avoir une chance d'être traité en prisonniers de guerre par les troupes japonaises et non fusillés immédiatement...
Quoiqu'il en soit, une première anecdote datant de 1944 à mettre en valeur, l'expertise en matière de vol du narrateur sur la liaison "Agra (en Inde) - Karachi" à bord d'un C-87 :
"Devant nous, la piste ondulait sous la chaleur et paraissait comme raccourcie. Des buses tournoyaient dans le ciel vide d'un jaune éblouissant. Seule la ligne noire des arbres qui limitaient le champ au nord apportaient quelques soulagement à nos yeux brûlés. ... Ils eurent sur notre décollage une influence ... car juste au-dessus de leurs cimes, une couche d'air plus frais rabbattait vers le bas comme une chute d'eau invisible. Avant d'atteindre cette rangée, je cherchais à prendre le plus d'altitude possible, sachant que j'en perdrais une partie au passage des arbres. ...
Après un temps suffisant de piaffement de l'avion entravé, je lâchai les freins et le lançai pleins gaz, sur la piste. Mais je sentis que quelque chose ne tournait pas rond. Nous avions déjà parcouru la moitié de la piste et nous n'avions pas encore atteint le soixante mille à l'heure. Je jetai un rapide coup d'oeil circulaire aux instruments, aux moteurs et au reste de la piste. Quand on en a l'habitude, l'examen est presque instantané mais la compéhension de ce qui se passe ne l'est pas! Que diable pouvait-il encore clocher? ...
Quatre-vingts milles à l'heure. Cent vingt nous auraient été nécessaires et j'aurai préféré 130! Les arbres dansaient devant nous et vacillaient dans le soleil. Quatre-vingt dix milles. Plus d'autre possibilité qu'un certain plongeon à travers les arbres. ... Pas le temps d'avoir peur... Le C-87 quitta terre, retomba, rebondit sur une roue, tituba en l'air dans une demi-sustentation. Les arbres n'étaient plus là-bas mais ici! ... Je pouvais compter les feuilles. Une escouade de buses explosa devant nous. Nous retombions vers les arbres et allions les heurter... Enfin la rivière, pleine puissance. Cent trente et cependant nous ne cessions de tomber!
Maintenant un nouvel obstacle se dressait devant nous : le Tag Mahal. On le réparait et il était presque entièrement couvert d'échafaudages. Je pouvais voir les ouvriers qui se déplacaient en hâte. Je pouvais voir leurs bouches ouvertes par l'effroi, tandis que nous foncions sur eux. Le spectacle de la beauté du lieu m'échappait totalement!
La manière la plus rapid et la plus sûre de se tirer d'une menace de perte de vitesse est de virer. Pression sur le palonnier, une légère inclinaison des ailes, aident à retrouver ces quelques milles critiques qui permettent de tenir en l'air. Mais je devais tourner, sinon, ils n'auraient pas fini de longtemps de réparer le Tag Mahal! Un moment d'espoir insensé! Ce n'est inscrit sur aucun manuel d'aérodynamique. ... Je ne l'avais jamais tenté, ni personne d'autre, sur C-87!!!
- Franko, les ailerons à fond!
Il abaissa violemment le levier. Le C-87 entra en collsison avec un doux mur invisible. La vitesse par rapport à l'air tomba et un tremblement parcourut l'avion, mais, instantanément, nous nous élevâmes de cent pieds, comme un ballon et suffisamment pour éviter la pointe du premier minaret.
- Remontez-les, doucement!
Franko obéit et nous retombâmes de nouveau, mais la vitesse revint. Il devait être possible de passer le minaret suivant sans avoir à tourner. Il fut derrrière nous en un éclair. Sur les échafaudages, j'aperçus un groupe d'ouvriers figés sur place. Le Tag Mahal avait disparu. ...
A posteriori, le narrateur estima que "l'incident mérite tout juste un sourire". "Croyez vous hein? Quelle manière d'admirer une oeuvre d'art! Quelle manière de se rendre célèbre! Et, une fois de plus, tout cela s'est produit à cause de facteurs que je ne contrôlais pas !" ... La masse au décollage!!!
Finalement un simple incident grâce à l'expérience du commandant de bord, sinon ... Plus de Tag Mahal!
Prochainement dans un autre article, une anecdote américaine avec un vol La Guardia- l'Ecosse. Nota : les photos ont été prise en May 1944 par un équipage du Ferry Command.
En annexe quelques données sur l'avion en question, le boeing C-87 :
the C-87 could carry between 20 and 25 passengers or 12,000 lbs of cargo. Because of war production bottlenecks and shortages, many C-87 aircraft were fitted with turbosuperchargers producing lower boost pressure and power than those fitted to B-24s destined for combat use, and ceiling and climb rate were accordingly adversely affected.