L’arrivée des Américains dans un hameau de Seine et Marne le 26 août 1944 :
Témoignage recueilli auprès de Mme Girondin le 12 avril 2013 qui à cette époque était une toute jeune femme d'à peine vingt ans.
Si chez vous aussi, vous avez des témoignages n’hésitez pas à nous les faire parvenir, nous les publierons sur notre site.
Ce samedi 26 après-midi, nous sommes terrés dans nos maisons, harcelés par les troupes allemandes, (celles-ci retraitent vers l’est et le hameau du Corbier est sur la « nationale 4 » à la hauteur de Jouy le Châtel). Ils réclament de la nourriture, de l’eau qu’ils nous font boire avant eux ! Nous osions à peine respirer car pour eux, c’était la débâcle (comme nous en 40!) et ils étaient armés. Certains faisaient halte à la pompe communale dans la rue et se lavaient ! Cela durait depuis plusieurs jours, ils tapaient même la nuit dans nos portes et volets pour réclamer de la nourriture. Nous n’avons jamais ouvert ! ...
La « nationale 4 : Paris-Strasbourg » était envahie de troupes en véhicules, à bicyclette, à cheval, en charrette et pour l’essentiel à pieds… dans un piteux état… Nous avions pris la précaution de cacher nos vélos dans une grange fermée avec un solide cadenas.
Puis soudain, notre voisin M Thomas, nous crie de sortir vite : « les Américains arrivent ! ». C’était vrai : il y avait dans le champ 2 ou 3 GI, en éclaireur (?). Mais hélas, la joie fût de courte durée car les allemands dans la cour nous mettent immédiatement en joue… nous rentrons précipitamment dans la maison, heureusement sans bobos.
On voit au loin des chars progresser à travers champ et couper la route de la retraite allemande au carrefour dit de la « mare aux grues », 2 kilomètres plus loin sur la même route. Le combat fut bref et l’on suppose sanglant. Nous sommes toujours enfermés dans nos maisons avec les Allemands à l’extérieur qui continuent à réclamer, à hurler à travers nos portes et volets. Que cette nuit fut longue !
Le lendemain, nous émergeons « à pas de loup », plus d’allemand dans nos cours, notre hameau et au carrefour où a eu lieu le combat, il n’y a plus que des chevaux morts. Les cadavres allemands ont été ramassés par d’autres allemands l’on suppose. Tous les hommes du hameau travaillent à creuser des fosses pour enterrer ces chevaux. Il est dit que des groupes d’Allemands voyant la route coupée, se sont rabattus sur chemin de terre dit « La guillote » permettant de contourner les Américains et de continuer vers l’est leur marche.
Nous avons finalement eu beaucoup de chance car notre petit hameau aurait pu tout aussi bien être le lieu choisi pour couper la retraite aux Allemands sur cette nationale 4. Nous apprenons que le maire adjoint de Jouy le Châtel, M Aristide Barbarin, a indiqué avec force que le hameau était habité et qu’il ne pouvait être sacrifié ! Et les Américains détournèrent leur attaque en conséquence…
Telle fut notre libération ! Et c’est pourquoi, je suis encore là !
carte : avancée des CC de la 7eme AD