La journée du 7 mai 1944 a été pourtant particulièrement belle : c’était jour de communion solennelle. L’occasion d’oublier pour quelques heures la dure réalité de l’Occupation allemande.
Ce bonheur prend fin brutalement à 23h45 lorsque les sirènes de Saint-Jacques sonnent l’alerte. Une pluie de bombes s’abat alors sur la ville, durant vingt-cinq interminables minutes. Bruz n’est plus qu’un amas de décombres ravagé par des incendies. Les survivants quittent les ruines de leurs habitations pour se précipiter au secours des blessés.
L'’accalmie est de courte durée. Deux minutes à peine après la première attaque, une seconde vague vient faucher les courageux citoyens venus secourir leurs voisins, allongeant encore la liste des victimes.
Les premiers sauveteurs venus de la campagne environnante et des bourgades voisines découvrent une vision d’apocalypse. Il s’agit avant tout de sauver des flammes ceux qui n’ont pas péri sous les bombes et restent prisonniers des décombres.
Le dévouement de tous est magnifique, et l’hospitalité des fermes les plus proches facilitera grandement la tâche des médecins et des infirmiers.
Ce bombardement dévastateur est l'oeuvre de la Royal Air Force. On dénombre quelque 183 morts, 300 blessés et 600 sinistrés, sur une population de 2800 habitants.
L’objectif était en fait le dépôt de munitions du bois des Ormeaux.C’est donc à la suite d’une erreur de balisage que les aviateurs britanniques ont largué leurs bombes sur la commune.
Source : le site de la commune de Bruz.
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"Ma chère Thérèse,
Nous venons de nous coucher quand les avions commencent à se faire entendre, puis des fusées. Nous nous levons aussitôt et attendons. Alors commence un tintamarre infernal (Bruz est à 2 km en ligne droite d'ici). Les fenêtres de la véranda s'ouvrent toutes seules; nous descendons sur le perron. La maison est secouée de fond en comble. Cela dure 20 à 25 minutes : une vision d'enfer.
Des bruits des bombes, de la DCA et surtout des avions. Chaque bombe déclenche une gerbe de feu et un incendie. Quand tout est fini nous remontons : Bruz flambe toute la nuit, le clocher de l'église illuminé comme par des projecteur.
A la maison rien de cassé sauf un morceau de plafond de la véranda qui est tombé. Les maires de Saint Erblon et des communes environnantes réveillent les hommes et tous partent à Bruz mais ne peuvent entrer dans le bourg car tout flambe.
Le lendemain matin nous partons tous aux nouvelles d'amis et pour aider au déblaiement. En arrivant au bas de la côte du cimetière, alerte : les survivants de Bruz se sauvent comme des fous. Nous entrons d'abord dans le cimetière labouré de bombes : des morceaux de cercueil sur la route, des pierres tombales à 2 ou 300 mètres; un corps dressé, un cadavre enterré depuis peu fait une masse sanguinolente et nauséabonde qui git au oied de la croix. Quelques tombes dont la nôtre restent intactes, ce sont les seules. Nous partons peu après ne pouvant supporter l'odeur.
Bruz n'est plus qu'un amoncellement de ruines fumantes au milieu desquelles se trouve Mme Hégron méconnaissable de peur et d'émotion : on vient de la dégager, elle et son mari, au moment où le feu les atteignait. Son mari blessé au bras, aux jambes et à la tête est transporté d'urgence à Rennes. De leur maison, nous ne dégageons que leur argenterie tordue, 1/4 de matelas brûlant, 2 couvertures, 2 coussins et des choses dérisoires (une tasse, une photo, ...). Dans toutes les maisons c'est la même chose : naturellement il y a des pillards qui sont appréhendés.
Je me rappellerai toute ma vie les blessés qu'on porte en ambulance, la minute de silence à chaque fois que l'on retire un mort, les cadavres qu'on porte en civière recouverts d'un drap, le sang bu par la poussière, les os calcinés qu'on ramasse dans des seaux, le feu qui couve partout, les pierres brûlantes qui, lorsqu'on les fait basculer par mégarde découvrent le feu qui jaillit; la chaleure étouffante, l a poussière de phosphore qui nous prend à la gorge, qui pique les yeux. On a les lèvres en sang.
... Des familles entières sont anéanties. C'est le soir des fêtes de communion : on retrouve des morceaux de mousseline blanche, des brassards, des pieds, des mains...
Ninette (20 ans habitante au Pont-Péan)"
Source : "Paroles d'Ombre" de JP Guéno.
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Le rapport de la RAF :
Deux objectifs ont été assignés séparément aux Avro Lancaster B II. du groupe 1 du Bomber Command, ayant décollé du terrain d'aviation de Wickenby (nord-est de l'Angleterre), dont ceux du squadron 12 de la RAF, du 460e squadron australien et des 576e et 625e squadrons canadiens: l'aérodrome de Rennes - Saint-Jacques et un dépôt de munitions, situé dans le bois des Ormeaux, protégé par une batterie de 6 canons de 88mm - à 1,4 km au nord du clocher de l'église de Bruz.
« 7/8 mai: 55 Lancasters du groupe n°1 bombardèrent le terrain d’aviation et un dépôt de munitions à Rennes. La force ne fut pas en mesure de localiser et marquer la cible correctement et la plupart des bombes tombèrent sur un village voisin. Pas de perte d’appareil. »
Source : Bomber Command. RAF Campaign Diary May 1944
L’Association pour "le Souvenir du 8 mai 1944" de Bruz œuvre pour perpétuer le souvenir de cet événement tragique et le transmettre aux jeunes générations. Sa présidente, Marguerite Coutel, a publié des écrits sur cette tragédie. Contact : 02 99 52 61 20.