Le lieutenant de vaisseau JGD Ouvry est affecté sur le HMS "Vernon" mais ce n'est pas un navire. C'est une base à terre de la marine anglaise en charge du Service des essais des mines et torpilles, située près de Portsmouth.
Les dégâts infligés au trafic maritime anglais est alarmant en cette fin de 1939, on suscepte l'utilisation de mines dites magnétiques échappant aux dragages et explosant seulement à l'approche d'une importante masse de fer. Contrairement aux mines classiques qui explosent en étant heurtées par la proue des navires, tous ne coulent pas, alors que la mine smagnétiques explose sous le navire et le disloque en le brisant en deux.
Il est vital pour les Anglais de pour trouver une solution à ces très dangereuses mines et pour ce faire, il fallait pouvoir en étudier une.
Le 23 novembre l'alerte est donnée car vers 10 heures du soir, des factionnaires de Shoenuryness dans l'estuaire de la Tamise avaient vu un avion allemand lâcher un objet dans la mer, près du rivage. Ils avaient tout d'abord pensé qu'il s'agissait d'un parachutiste. Ils voulurent donc se jeter à l'eau pour éclaircir le mystère mais la marée montante les en empêcha. Un rapport avait été envoyé aux autorités navales qui comprirent que l'occasion de recueillir une mine magnétique intacte venait enfin enfin de se présenter. Le lieutenant de vaisseau Ouvry apprit que la mine serait mise à découvert à marée basse, c'est-à-dire à 4 heures du matin. Il partit avec le lieutenant de vaisseau RC Lewis également affecté au HMS "Vernon". Ils avaient reçu l'ordre d'examiner la mine et de s'en emparer à tout prix.
Deux heures plus tard, ils furent reçus à Shoebryness par un officier de marine, un groupe de soldats munis de lanternes, de cordes et de pieux, et deux photographes. La nuit était sombre et il pleuvait. De nombreux navires étaient ancrés dans le fleuve, immobilisés, et ne pouvant lever l'ancre avant que le chenal n'ait été débarassé de l'objet mystérieux. Un bateau destiné au transport de viande congelée avait fait sauter une mine en se déplaçant avec le renversement de la marée. Conduit par un des soldats, tout le groupe se mit en marche dans l'obscurité, pataugeant dans les bâches que la marée descendante avait laissée derrière elle. La lueur des lanternes révéla enfin un objet noir, enterré en partie dans le sable. Les officiers se mirent au travail, pendant que, derrière eux, les soldats éclairaient la mine avec une lanterne-signal "Aldis".
Ils découvrirent que la mine était de forme cylindrique, qu'elle avait environ 2 m 10 de long, qu'elle était faite avec un mélange d'aluminium, qu'elle comportaient des antennes tabulaires à la partie avant, etque l'arrière, qui avait été creusé, contenait un puissant ressort en bronze pour libérer le parachute. Deux dispositifs d'aspect redoutable se trouvait près de la partie avant. Un était sans doute une soupape hydrostatique; quant à l'autre, il était impossible de l'identifier. Il était en aluminium poli, et était tenu en place par un anneau vissé et enduit de cire noir. Comme ce second dispositif paraissait le plus susceptible de cacher un amorceur et un détonateur, le lieutenant de vaisseau Ouvry décida de s'y attaquer en premier lieu.
Le lieutenant de vaisseau Lewis prit l'empreinte de l'anneau sur une feuille de papier, pour permettre de fabriquer une clef anglaise en cuivre (non-magnétique) pour le dévisser. On prit des photographies au magnésium de la mine de tous les côtés et toutes les dimensions furent notées pour pouvoir en faire une description détaillée. Il fut alors décidé d'attendre jusqu'à midi, heure à laquelle la mine serait denouveau à découvert, et les soldats l'attachèrent donc aux pieux avec des cordes en prenant toutes les précautions utiles. Comme ils rejoignaient l'auto, les hommes trouvèrent le parachute déployé sur le sable. Il était en soie et il fallut 8 hommes pour le transporter jusqu'à la ligne des hautes eaux.
A six heures du matin, les officiers du Vernon venaient juste de terminer leur petit-déjeuner, lorsqu'ils reçurent la nouvelle qu'une autre mine avait été repérée à environ 280 mètres de la première. Aussitôt, ils se mirent en route, et s'aventurèrent dans l'eau qui montait, pour la chercher. Mais apprenant d'une personne sur un ponton d'amarrage à proximité, qu'elle était submergée depuis plusieurs minutes, ils décidèrent d'attendre la marée descendante. Un rapport préliminaire fut alors rédigé et envoyé par auto à l'Amirauté, avec des épeuves des photographies qui avaient été prises. A une heure, les deux mines étaient à découvert et l'équipe spéciale du Vernon chargée de les récupérer sous la direction du premier maitre CE Baldwin était sur les lieux. Les hommes avaient apporté avec eux des outils non-magnétiques, en plus de ceux fabriqués durant la nuit à Shoeburyness. Un camion, sur lequel avait été monté une grue, était tout prêt à fonctionner et attendait dans une partie abritée de la plage. Tandis que l'on prenait des photos de la première mine de jour, les officiers examinaient la seconde. Ils trouvèrent qu'elle n'avit pas la même orientation que la première, que sa partie avant était inclinée et qu'elle était bien plus cabossée.
Il fut alors décidé que le lieutenant de vaisseau Lewis et le matelot AL Vearncombe resteraient sur la plage, pendant que le lieutenant de vaisseau Ouvry et le premier maître Baldwin s'attaquaient à la première mine. Le lieutenant de vaisseau Ouvry arrêta la ligne de conduites des opérations, que les autres pourraient facilement suivre à distance _ "au cas où je ferais une bêtise", expliqua-t-il.
Il franchit alors la plage avec le premier maître après avoir enlevé de leurs poches tous les articles en métal. ... Il s'agissait d'une tâche pour laquelle ils avaient été entraînés : depuis des semaines, ils attendaient l'heure de pouvoir agir. Et quels que purent être leurs sentiments, ils ne reculèrent pas devant le grand danger de leur entreprise. Ils n'avaient pas le moyen de savoir si la mine ne dissimulait pas, par hasard, un dispositif spécial qui la ferait détonait si on essayait de la démonter.
... Ils s'attaquèrent d'abord à la garniture en aluminium fixée sur la partie supérieure de la mine. Ils purent facilement dévisser l'anneau-vis de sécurité et soulever la garniture. Le lieutenant de vaisseau Ouvry prit, toutefois, les plus grandes précautions, pensant qu'il avait affaire soit à un détonateur, soit à une sirte d'aiguille aimantée. En effet, ils 'agissait bien d'un détonateur.
Persuadé que le danger principal avait été ainsi écarté, il appela le lieutenant de vaisseau Lewis et le matelot Vearncombe, pour l'aider à retourner la mine, de façon à pouvoir atteindre celles des parties ensevelies dans le sable. L'opération s'effectua sans incident, et ils découvrirent un deuxième détonateur, qui ressembalit à ceux fixés sur les mines allemandes à antennes. Ils en retirèrent les éléments dangereux. "Nous débordions de joie!" écrivit plus tard le lieutenant de vaisseau Ouvry.
Vers 4 heures de l'après-midi, ils avaient rendus la mine inoffensive. Elle fut hissée sur un camion avec son parachute pour être envoyée au "Vernon" le lendemain matin. Et, une heure plus tard, un rapport fut adressé à l'Amirauté signalant que la mine avait été recueillie intacte. ...
La mine arriva au "Vernon" le lendemain. Son poids total était d'environ 560 kg et sa partie avant contenait quelque 320 kgs d'explosifs. Lorsque la mine était lâchée par un avion, sa point arrière, en forme de cône, se détachait, libérant ainsi le parachute. Après avoir retiré et démonté le mécanisme, un des spécialistes du Vernon dit qu'il y avait bien là de quoi faire "les délices d'un homme de science".
M Churchill avait donné l'ordre que "le travail devait se poursuivre nuit et jour, jusqu'à ce que le secret du fonctionnement de la mine fût découvert". Mais, 12 heures seulement plus tard, l'Amirauté était en possession de la clef du problème - il s'agissait bien d'une mine magnétique, dont tous les secrets étaient enfin connus.
Les lieutenants de vaisseau Ouvry et Lewis furent décorés du Distinguished Service Order et le premier maître Baldwin et le matelot Vearcombe de la Distinguished Service Medal.
Source : "La chasse aux mines" par l'Amirauté britannique 1943.